2010: Année "de la pauvreté"

Publié le par ETIENNE VERDIN



Un Président et un Secrétaire de CPAS voudraient vous dire…


2010 est instituée « année européenne de la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale ».

Et voilà qu’un nouvel appel à projets est adressé aux C.P.A.S afin « qu’ils contribuent à la création d’une assise sociétale pour une politique efficace contre la pauvreté et l’exclusion sociale ».

Nous voilà désormais nanti d’une nouvelle mission, et quelle mission ! Créer une assise sociétale… à travers une série d’actions de « sensibilisation du public ».

A la lecture de ce message qui nous est adressé, nous sommes partagés entre deux sentiments.

Faut-il résolument nous engager ou exprimer notre ras-le-bol de participer à des campagnes publicitaires sur des sujets les plus divers ?  Alors que, tous les jours, nous sommes en campagne dans notre C.P.A.S, simplement pour faire notre job le mieux possible et mettre en œuvre les moyens pour atteindre l’objectif que nous fixe la loi.

Lorsque le secrétaire donne des conférences sur le C.P.A.S dans les écoles,  il rappelle que la Belgique est un pays démocratique ; et qu’il y a peu de démocraties dans le monde, dont la charte de base qui la fonde, à savoir la Constitution, institue et reconnaît à « chacun de mener une vie conforme à la dignité humaine et, à cette fin, la loi, les décrets et autres textes législatifs doivent garantir à tous le bénéfice des droits économiques, sociaux et culturels, en déterminant les conditions de leur exercice.

Ces droits comprennent notamment :

·         le droit au travail et au libre choix d'une activité professionnelle dans le cadre d'une politique générale de l'emploi, visant entre autres à assurer un niveau d'emploi aussi stable et élevé que possible, le droit à des conditions de travail et à une rémunération équitables, ainsi que le droit d'information, de consultation et de négociation collective

·         le droit à la sécurité sociale, à la protection de la santé et à l'aide sociale, médicale et juridique

·         le droit à un logement décent;

·         le droit à la protection d'un environnement sain;

·         le droit à l'épanouissement culturel et social ».

Il indique aux étudiants qu’il existe un service public dans chaque commune qui a bien, à notre sens, la mission de concrétiser l’effectivité des droits reconnus.

Or, il nous semble, de notre expérience sur le terrain, que tout le monde ne pense pas de la sorte et même que certains considèrent le C.P.A.S  plus comme une charge financière que comme « le bras armé »  de leur Commune en matière sociale.  Certes les mentalités évoluent mais parfois bien lentement…

En période de crise financière, toutes les voies sont explorées pour trouver des économies.  Et le dernier avatar est la recommandation de développer des synergies et de rechercher des économies d’échelle.  L’intention cachée, ou parfois clairement exprimée est-elle, à terme, de fusionner la Commune et le C.P.A.S ?

L’expérience récente dans le monde bancaire indique à quel point les « fusions-absorptions » sont d’une redoutable « efficacité » sur le plan économique.  A tel point, que les plus fervents partisans du libéralisme à tout va d’hier défendent aujourd’hui la moralisation du capitalisme financier et une plus grande régulation des marchés par les pouvoirs publics. Et, en attendant, l’Etat, c’est-à-dire le secteur public est intervenu massivement pour éviter la faillite du système financier.

La forme juridique actuelle du C.P.A.S est-elle adaptée pour répondre aux besoins sur le plan local ?  Notre réponse est positive.  Dans la mesure où jusqu’à présent les C.P.A.S ont pu s’adapter de manière dynamique et souple aux nombreuses missions successives qu’on leur a confiées (octroi du revenu d’intégration sociale, accueil des candidats réfugiés, insertion socio-professionnelle, épanouissement social et culturel, commission énergie, logement de transit…).  Et c’est précisément, sa dimension, sa taille qui sont à l’origine de cet ajustement constant aux défis qu’il doit rencontrer.  Nous plaidons en faveur du développement du concept de l’économiste allemand Ernst Friedrich Schumacher « Small is beautiful ».  C’est peut-être ce concept, par exemple, qui a permis aux banques italiennes de ne pas connaître les mêmes déboires que ses conseures belges, américaines…

Maintenons donc les C.P.A.S dans leur forme actuelle et arrêtons de croire que les synergies et les économies d’échelle entre Commune et CPAS sont seules la panacée universelle.

La vraie question est, nous semble-t-il, de savoir si les C.P.A.S utilisent les moyens humains, financiers et matériels dont ils disposent – pas toujours suffisants - de manière optimale pour remplir les missions qui leur sont confiées.  Nous en restons persuadés, même si certains pensent qu’il n’y a pas toujours adéquation entre les moyens et les besoins.

Dès lors, est-il opportun de lancer un appel à projets qui va jusqu’à suggérer de lancer un concours de « T-shirts créatifs » ?  Nous sommes des professionnels de l’action sociale et non « des gentils organisateurs de concours ».

Qu’on nous reconnaisse plutôt dans notre rôle de principal acteur de lutte contre la pauvreté en tant que dernier filet de la sécurité sociale.  Voilà le message que nous attendons, nous qui, au quotidien, sommes amenés à trouver des solutions pour les personnes les plus défavorisées de notre société.

Est-ce toujours une question de moyens ?

Nous avons indiqué ci-avant que la force des C.P.A.S est leur dynamisme et leur faculté d’adaptation liés à leur taille.

Ne conviendrait-il donc pas de favoriser ce dynamisme par un assouplissement des règles ?  La forme, aujourd’hui, prend de plus en plus le pas sur le fond : l’inflation des lois en étant principalement la cause.

Au point que pour prendre une décision, il faut se munir de « 18 codes » pour déterminer s’il est possible de prendre une décision et, dans l’affirmative, dans quelles conditions on peut la prendre.

Avant, l’on pouvait affirmer « Ce qui n’est pas interdit est autorisé ».  Maintenant, c’est l’inverse qui se produit et « Ce qui n’est pas permis est interdit ».  Sans compter ce que nous définissons par la « soviétisation de l’action »,  à savoir que les décisions sont encadrées par des plans.  Plan de mobilité, plan de sécurité, plan air-eau, plan de formation, plan de prévention, plan d’ancrage communal du logement, plan de cohésion sociale…

Les autorités nous adressent également des circulaires qui nous invitent à prendre les dispositions nécessaires en cas de chaleur (en été) pour donner de l’eau au personnes âgées en maison de repos et, en hiver, à veiller à vous occuper des sans-abris.  Comme si cela n’allait pas de soi !

Faut-il à ce point réglementer, adresser des directives… ?  N’est-ce pas en fait pour se rassurer, se protéger d’un éventuel recours en justice ?

Un sociologue nous a appris que toute organisation, à un moment de son histoire, prenait les moyens pour des fins.  Et nous en sommes là.  Ramené à un C.P.A.S, c’est dire que son rôle n’est pas de faire de la comptabilité ou de l’informatique mais de remplir ses missions et rendre service à la population.

La simplification administrative est devenue une antienne.  Tout le monde en parle, mais personne n’en fait.  Moins que jamais la simplification administrative est à l’ordre du jour.

Pourtant, si l’on voulait vraiment trouver des  économies structurelles, il conviendrait de commencer par une simplification des institutions vue en termes d’économies et non uniquement au prisme réducteur du débat communautaire.

Objectivement, le paysage institutionnel belge est compliqué et génère des chevauchements de compétence avec ce que cela entraîne comme perte d’énergie, de temps et d’argent.

Enfin nous plaidons en faveur d’un retour au « bon sens », à la gestion « en bon père de famille ».   Et ce n’est pas incompatible avec la rigueur. Et nous sommes prêts à prendre nos responsabilités.

Croire en la capacité de ses collaborateurs, leur donner un sens à ce qu’ils font.  « Ne fît-on que des épingles, il faut être enthousiaste de son métier pour y exceller » disait Diderot.  Oui, remettre au sens de nos préoccupations « l’humain » que ce soit dans nos C.P.A.S mais surtout au-delà et nous gagnerons le combat contre la pauvreté et l’exclusion sociale !

Et ce n’est pas une question de participation à une « action sociétale » à travers des activités publicitaires mais à un état d’esprit à susciter au quotidien.  Encore faut-il qu’une volonté politique soutienne cet état d’esprit. Le C.P.A.S de Waterloo a résolument opté pour une politique volontariste et responsable, privilégiant l’intégration et l’insertion tant sociale que professionnelle plutôt que de se cantonner dans un simple rôle de distributeur d’aide sociale.

Il serait temps de se tenir à l’essentiel ! Sensibiliser n’est pas agir.

 

Le Président et le Secrétaire du C.P.A.S de Waterloo,

Etienne Verdin et Jacques De Bilde.

 

Publié dans CPAS WATERLOO

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